Serhat Karaca

Serhat Karaca est accueilli par l’équipe NECOS de l’UMR PRC est depuis le 1er juillet 2024 jusqu’au 30 Juin 2025, son séjour est financé par le TUBITAK (Scientific and Technological Research Council of Turkey). Serhat a obtenu son doctorat en productions animales à l'université Van Yüzüncü Yıl (Turquie), où il est à présent professeur et chercheur. Ses recherches visent à comprendre comment les facteurs de stress environnementaux physiques et sociaux affectent le comportement, les performances et la qualité de la viande des ruminants, en particulier des moutons et des chèvres. Combiner sa connaissance des pratiques d'élevage, des conditions de vie et des traits comportementaux avec l'expertise de l'équipe NECOS sur la neurobiologie du comportement socio-émotionnel représente une opportunité unique de bénéfice mutuel et de collaboration. Ce séjour lui permettra d'acquérir une compréhension approfondie des méthodes de tests comportementaux que l'équipe applique aux animaux, et l'expertise pour mettre en œuvre les protocoles expérimentaux dans ce domaine.

Lors de son séjour, Serhat travaille sur l’effet de pratiques d’élevage sur le comportement et le bien-être des chevreaux. La méthode d'élevage artificiel, qui consiste à séparer la mère et les petits immédiatement après la naissance, est couramment privilégiée dans les élevages intensifs de chèvres laitières pour, en particulier, réduire les risques sanitaires (transmission du virus de l'arthrite et de l'encéphalite caprine - CAEV - et de la paratuberculose). Cependant, cette pratique a soulevé des critiques, notamment en ce qui concerne son impact sur le développement comportemental et le bien-être des chèvres. Par conséquent, il est important de savoir dans quelle mesure la mère et son petit sont perturbés par la séparation, comment cela affecte le comportement et la socialisation de la progéniture à l'avenir, et si le stress de la séparation peut être atténué par des techniques de gestion appropriées. Aujourd'hui, l'accent est mis de plus en plus sur des approches qui harmonisent la durabilité économique avec le bien-être des animaux et les considérations environnementales. Par conséquent, la tendance aux systèmes intensifs s'est partiellement inversée, avec un intérêt accru pour les pratiques d'élevage naturel et certains éleveurs ont déjà franchi le pas vers de tels changements. Cependant, il y a un manque notable d'études globales sur l'équilibre bénéfice/risque des méthodes d'élevage, englobant des aspects tels que le comportement et le bien-être des animaux, les performances de croissance, le développement du microbiote, ainsi que la production et la qualité du lait. Nos connaissances sur ce sujet sont fragmentées et insuffisantes pour formuler des recommandations précises. En réponse à cela, le projet cherche à apporter de l'originalité en examinant le comportement et le bien-être des animaux d'un point de vue multidisciplinaire, en considérant les relations interconnectées entre la santé, la productivité et la qualité des produits. La question de recherche du projet a été définie comme suit : « Le développement comportemental et le bien-être des chevreaux peuvent-ils être améliorés par l'élevage naturel sans détérioration significative des paramètres liés à la productivité, à la santé animale et à la qualité du lait ? L'hypothèse générale associée au projet est que la présence de la mère (effet psychologique), de son lait (effet nutritionnel) et de son microbiote (effet bactérien) favorisera les performances, le bien-être et la santé de la progéniture élevée naturellement. Cependant, deux risques d’ordre sanitaire sont à prendre en compte. Le premier est la transmission verticale de pathogènes de la mère (CAEV, paratuberculose) à la progéniture mais sans conséquence pour la santé humaine. La seconde est la transmission horizontale de bactéries faisant partie intégrante du microbiote intestinal des ruminants : Les Escherichia coli productrices de Shigatoxines. Quoiqu’inoffensives à leur égard, elles peuvent être la cause d’intoxications alimentaires fatales chez les humains lors de la consommation de produits non pasteurisés comme les fromages AOP. Il s’agit d’être vigilant.

Sur la base d'études préalables, le projet conduit à tester deux méthodes alternatives : 1) faire cohabiter les chevrettes avec quelques chèvres adultes non allaitantes, appelées « marraines », pour assurer un enrichissement social ; 2) permettre aux mères d'allaiter leurs petits et d'être traites à la machine en même temps. La réalisation d'un tel travail chez les chèvres laitières permettrait d'identifier les avantages et les inconvénients de trois systèmes d'élevage : l'allaitement artificiel, la présence de marraines et l'allaitement maternel. Les bénéfices seront mesurés en termes d'enrichissement social, de facilitation comportementale par imitation des adultes, de construction du microbiome, d'amélioration du bien-être et de certains aspects de la santé. L'enjeu de ce projet est d'atteindre un optimum dans une équation prenant en compte le bien-être animal, les normes sanitaires essentielles dans la composition du lait, les contraintes générées par le choix d'une pratique, et les conditions de travail satisfaisantes pour les éleveurs. Seule une approche pluridisciplinaire permettra d'obtenir suffisamment d'informations objectives. C'est ce qui fait l'originalité de notre démarche expérimentale car, à notre connaissance, aucune étude ne combine un tel niveau d'interdisciplinarité chez les ruminants. Ainsi, le projet vise à évaluer la balance bénéfices/risques de l'élevage naturel par rapport à l'élevage artificiel dans une perspective multidimensionnelle en termes de performances, de qualité du lait, de bien-être et de santé.